[LES ENFANTS DE GORRES] Partie 5

Dehors, une corneille s'est posée sur une branche. Le solstice d'été venait d'être franchi. Uriel s'était levé afin de profiter le plus possible du jour le plus long de l'année. Mordred lui allait secrètement se réjouir du retour des longues nuits.

Leur tutrice était venue les réveiller à l'aube afin de profiter d'un petit déjeuner en extérieur. Les invités de la veille avaient été conviés et l'on avait envoyé des servants récupérer des fruits frais dans les vergers du château. L'herbe était verte, le ciel bleu et une légère brise pénétrait dans la chambre des enfants à travers les fenêtres entrouvertes. Cette ambiance onirique invitait à la gaieté.

Agathe avait décidé de leur faire prendre un bain avant de descendre se joindre au déjeuner sur l'herbe. Elle était vêtue du même uniforme, ses cheveux roux étaient noués de la même façon que tous les jours depuis près de 13 ans. Cette femme restait inchangée années après années, elle était leur seul repère dans leur jeune vie. Tous deux la suivaient calmement, mal réveillés jusqu'à la salle de bain. Là-bas, un bain frais les attendait déjà.

Mordred attendait son tour d'un air bougon. Il regardait de temps en temps la fenêtre qui donnait sur la cour. Il n'avait pas envie de revoir Monomaque et son cortège d'éloges qu'il ne voulait plus entendre.

La nourrice avait compris qu'il n'appréciait pas l'hôte byzantin. Or il devait apprendre à faire ce qu'il n'apprécie pas ; c'est un exercice d'adulte.

Uriel venait de terminer son bain. Alors qu'il s'habillait, une seconde servante arrivait pour leur demander quels étaient leurs fruits préférés. Tous les deux aimaient les pommes mais Mordred, contrarié, n'avait pas voulu répondre. Après avoir obtenu réponse, la servante descendit réclamer ces fruits pour eux. La nourrice vérifiait la température de l'eau du bain et tournait le dos à Mordred lorsqu'elle lui dit que son comportement infantile n'était pas digne d'un Pendragon.

A ce moment, le jeune homme entra dans une colère folle. Un sentiment qu'il ne savait ni décrire ni contrôler l'envahit. Il pris un strigile posé sur un meuble et l'enfonça dans le cou délicat de leur mère adoptive. Celle-ci tomba à genoux, les cheveux et ses bras tombaient dans le bain. Rapidement, le sang se mêlait à l'eau froide : elle était morte.

La pulsion que Mordred avait brièvement ressenti avait disparu tout aussi soudainement. Paralysés par la tension provoquée par la scène, les deux enfants restaient là pendant plusieurs minutes, totalement immobiles.

Le Duc qui était venu les inviter au déjeuné assista tout aussi impuissant à la scène macabre. Les yeux livides, fixés sur le cadavre avaient rendu Mordred coupable. Or le Duc ne pouvait les châtier maintenant alors que de puissants seigneurs étaient conviés ; sa réputation était en jeu. On entendait d'ailleurs leurs rires depuis dehors dans la pièce qui demeurait silencieuse. La garde fut appelée en toute discrétion suivie par des servants chargés de nettoyer la scène. Les gardes furent postés devant la salle de bain qui devaient rester condamnée. Sans un mot, le duc les invita à descendre rejoindre le déjeuner.

Uriel et Mordred se joignirent à la tablée qui riait de bon cœur. Le duc les fixa avant de reprendre sa discussion. Rien ne devait transparaître jusqu'au départ des hôtes à Midi. A ce moment, ils devront prendre la mesure de leurs actes.