La recherche du Graal dans l’histoire : L’Allemagne de 1940

Aujourd’hui, sujet un peu plus épineux mais non moins intéressant.

Heinrich Himmler était un intellectuel. Il était ingénieur agronome avant de rejoindre le NSDAP mais depuis l’adolescence il se passionnait de l’histoire et des légendes. Heinrich fut attiré par un dogme datant de la fin du XIXème siècle, qui reprenait les traditions et les mythes scandinaves. L’idéologie de l’ordre était fondée sur la croyance en l’existence de surhommes et d’une race humaine supérieure : les Aryens, qui auraient vu le jour dans l’hypothétique Hyperborée, centre magique des peuples germaniques. Cette race, pour Himmler et bien d’autres intellectuels adeptes, avait pénétré progressivement l’Europe au fil des siècles, notamment en Allemagne. C’est cette croyance qui avait fondé toute la base mystique et toutes les comparaisons mythologiques que le nazisme avait pu faire.

Heinrich Himmler, bras droit d’Hitler avait pris la direction des SS en 1929 et progressivement dans le régime nazi, ces troupes d’élites avaient obtenu un pouvoir significatif. Les Waffen-SS, corps d’armée dans le corps d’armée étaient devenu un véritable “Ordre noir» C’était un groupe d’hommes solides, extrêmement fidèles et à la doctrine indiscutable qui avaient le rôle de renforcer l’autorité gouvernementale et d’exécuter aveuglement les ordres donnés. Il voulait que son ordre noir devienne une nouvelle forme de chevalerie teutonique païenne, digne des chevaliers de la table ronde. Dans son château de Wewelsbourg, il mit en place une école de l’élite nazie. Ce château avait une symbolique assez forte pour le régime nazi. Après leur victoire, il devait être le centre de leur nouveau monde pur. Il avait alors été pensé en conséquence. La tour du nord est la plus chargée symboliquement, on trouve dans son sous-sol une crypte pour la prière des morts, mais aussi a l’étage, la salle des généraux avec au sol une mosaïque en marbre avec une étrange roue solaire, conçue par Karl Maria Wiligut (dont on parlera plus tard) qu’on appellera après guerre le «Soleil noir».

Cette élite recevait cours dans ce château triangulaire , qui a reçu le doux surnom de citadelle de l’Ordre noir. Cette « formation » de lourd endoctrinement comporte de la mythologie, de l’archéologie et de l’histoire de l’art afin de prendre conscience de leur statut et de l’importance de leur cause, mais elle suivait surtout les principes d’une société secrète qui fait partie des fondations du nazisme : la société Thulé.

Pour appuyer cet enseignement, le château avait aussi une véritable dimension muséographique, avec des pièces archéologiques, des œuvres d’art et des reproductions de reliques de l’empereur germanique (couronne, globe et sceptre) Le château était également doté d’une bibliothèque conséquente. Le burg aurait même abrité un observatoire astronomique et des laboratoires de recherche archéologiques qui ont contribué aux cosmogonie absurdes imaginées par le Reichsführer-SS.

Cette société Thulé, profondément penchée sur le racisme, le pangermanisme et le mysticisme croyait à une race humaine supérieure dérivée des Dieux, les aryens. La société Thulé tendait à rapprocher la race aryenne des héros mythologiques de l’Antiquité européenne. C’est pourquoi plusieurs pièces étaient dédiées notamment à Barberousse, au roi Arthur, à Henri le Lion ou encore à Frédéric II de Jérusalem.

Les membres de l’Ordre étant représentés comme des descendants des héros nordiques; dans cet esprit, ils voulaient retrouver le Graal, le plus fort des symboles représentant leur obsession pour le pouvoir et pour leur affiliation avec les héros médiévaux.
Himmler est lui-même féru de mysticisme, de spiritisme et d’astrologie depuis tout jeune. Ancien catholique, il s’est rapidement intéressé au paganisme. C’est sur cette théorie de la race supérieure que s’est bâti le IIIème Reich et l’idéologie du régime nazi. Il pouvait ainsi justifier l’éradication de races dites « inférieures ».
Obsédés par la quête de pureté ils voulaient représenter l’homme nouveau, fidèle à l’image de l’homme-dieu des traditions scandinaves. C’est tout naturellement qu’au fil des ans, il s’était constitué une bibliothèque personnelle de 13.000 ouvrages sur ces sujets que sont le mysticisme , le surnaturel, la mythologie européenne et même la sorcellerie. Cette collection a d’ailleurs été découverte en mars 2016 dans un entrepôt de la Bibliothèque nationale près de Prague en République Tchèque.

Pour prouver l’assimilation des aryens avec les héros de l’Antiquité, Himmler lança un programme pour retrouver des preuves matérielles. Il se lança à la recherche de l’Atlantide qu’il pensait comme le berceau de la race aryenne.
Mais particulièrement intéressé par la légende du roi Arthur, ce roi mythique, et ses chevaliers de la table ronde, qui cherchaient le Graal, source de tous les pouvoirs, il mis l’accent sur le Saint calice afin d’appuyer ses thèses raciales.

Pour mener ses recherches, il nomma Karl Maria Wiligut responsable de la «Section de recherches historiques» au sein du RSHA, le Bureau central de la sécurité du Reich, centre névralgique du monstre SS. Cet homme, colonel lors de la première guerre mondiale était auteur de pamphlets antisémites et antichrétiens. Il fût interné pour cause de schizophrénie , puis déclaré inapte à la moindre responsabilité militaire par un tribunal en 1924, ce qui ne l’aura pas empêché d’être nommé en 1933. Il fonda également l’Ahnenerbe en 1935, incorporé à la SS en 1939, la « Société pour la recherche et l’enseignement sur l’héritage ancestral », dont le but était d’étudier l’archéologie, l’anthropologie et l’histoire culturelle de la race aryenne. Son rôle était prouver la validité des théories nazies sur la supériorité des Aryens.

Mais ce qui va surtout nous intéresser, c’est le cas d’un archéologue allemand.

Dès 1936, Heinrich missionna Otto Rahn. L’archéologue et écrivain allemand reçoit un jour un télégramme anonyme. La lettre lui promet énormément d’argent s’il continue la quête du Graal qu’il avait entamé depuis plusieurs années. En effet après l’étude de légendes orales transmises par les troubadours du Moyen-Âge début 1930, il était certain que le Graal se trouvait en Occitanie. Il avait déjà mené des excavations dans le sud de la France, sans succès. Ruiné, endetté, il fut obligé de retourner en Allemagne.

Mais l’écrivain avait écrit un livre basé sur ses théories « Croisade contre le Graal » en 1933 qui avait intéressé le chef de la SS au point de le contacter pour qu’il poursuivre ses théories, incorporé à la SS. Ses livres sont alors distribués aux officiers, propageant de fait le mythe de la présence possible du Graal dans les Pyrénées. Une aubaine pour leur chef qui cherche une légitimité mythique à ses troupes aryennes supérieures. Otto Rahn est alors recruté et envoyé à Montségur pour continuer ses recherches et rapporter le Graal aux nazis.

L’offre d’Himmler tombait à point nommé pour Otto. Pourtant, cette expédition fut un échec, par manque de rigueur. Dans les années 30, il avait identifié Montségur comme étant le château du Saint Graal, selon des raccourcis foireux :

-Premièrement, il prit ses sources dans l’Opéra de Wagner, Parsifal (Inspiré du poème écrit par Wolfram von Eschenbach en 1205), dans lequel le château du Graal se nomme ‘’Montsalvat ». Par manque de rigueur dans l’interprétation , il considéra que »Montsalvat » qui signifie »le mont sauvé » est le même château que celui de Montségur qui veut dire »le mont sûr ».

-Deuxième théorie erroné, il fit un rapprochement entre Perceval, qui est donc le chevalier gardien du Graal dans l’opéra de Wagner, et Raymond-Roger de Trencavel, vicomte de Carcassonne à l’époque de la croisade des Albigeois. Tout ça sur le simple fait que Perceval veut dire »qui perce la vallée » et Tranca-val »qui tranche la vallée ». Pour lui, les deux hommes étaient les mêmes et les deux châteaux aussi. Ils se rendent alors au château de Montségur mais aussi à Monserrat. Obsédés par leur quête, les SS pensaient que si Montsalvat n’était pas Montségur (possédée par Cathares qu’ils pensaient protecteurs du Saint Graal), il pourrait bien être Montserrat, cette étrange montagne citée par des poètes romantiques allemands tels que Goethe.
Ils visitent les deux (parfois de force, contre leurs propriétaires) pour en explorer les galeries, et en ressortent bredouille.

Quelques années après ses recherches infructueuses, il est dénoncé aux nazis, étant homosexuel et sa mère étant juive. Pour ses services dans les SS, on ne le déporte pas, on lui offre même un choix, se faire abattre ou se suicider. Il sera retrouvé mort de froid en 1939 dans un glacier d’Autriche. Avec lui mourront la théorie du Graal à Montségur mais aussi l’espoir des nazis de retrouver le Calice, dès lors ils se sont intéressés à d’autres figures mythiques humaines aux quatre coins du monde, à défaut de Graal.